Jour de vote

Voilà le monsieur du tribunal !

C’est ainsi que j’ai été accueilli lors de mon entrée dans le bureau de vote pour le second tour des municipales.

Tout a commencé le 30 décembre dernier lorsque, par déformation professionnelle, je choisissais d’utiliser le téléservice fourni par mon.service-public.fr pour s’inscrire en ligne sur les listes électorales. Je recevais le mail de confirmation à 17h30 que ma demande était bien reçue. Tout va bien.
Début janvier, Christelle, qui avait suivi la même procédure le 31, recevait un courrier de la mairie de Caen pour l’informer qu’elle était bien inscrite. C’est là que j’aurais du m’inquiéter. Toujours est-il que le temps est passé jusqu’à ce beau jour du mois de mars où elle reçut sa carte d’électeur et moi, rien. Je décidais alors de me renseigner auprès de l’annexe de mairie, profitant de mon passage pour inscrire les enfants à l’école. L’agent qui m’a reçu n’a mis aucune bonne volonté :
S’inscrire le 30 décembre ? Les gens attendent toujours le dernier moment aussi.
soupira-t-il. Voilà, c’est forcément de ma faute si je ne suis pas inscrit sur la liste. Le fait que Christelle s’inscrive le 31 sans problème n’entre pas en ligne de compte. Ni le fait que je suis dans les premiers pour inscrire les enfants à l’école. Passons.
Je me retourne alors vers le site mon.service-public.fr pour leur signaler la difficulté que je rencontre. Le seul moyen de communication disponible est le mail, pas de numéro de téléphone. Ils répondent sous 5 jours, ça laisse de quoi patienter. Je reçois un premier mail comme quoi ils confirment que ma demande a bien été transmise à la ville de Caen et me donne un numéro de téléphone. Je téléphone donc aussitôt pour apprendre qu’il s’agit en fait du standard téléphonique de l’Hôtel de Ville. Peu importe, je renouvelle ma demande au service élections et reçoit la même réponse : je n’apparais nul part dans leurs listings. J’en informe aussitôt le téléservice en demandant la marche à suivre pour faire valoir mes droits.
Le premier tour des municipales passe sans que je puisse participer et c’est frustrant d’avoir fait toutes les démarches de bonne foi en temps et en heure et de ne pouvoir exercer ce droit !
Je reçois une réponse le mardi qui m’indique que ma demande a été reçue par la ville de Caen le 30 décembre à 19h36 et qu’en cas de difficulté, je peux déposer une demande au tribunal de grande instance avec la liste des articles à invoquer. Armé de ce mail et de mon mercredi après-midi, je décide de résoudre ce problème une bonne fois pour toute. Avant de partir, je pense à prendre un justificatif de domicile.
Arrivé devant l’agent de la ville, j’expose une nouvelle fois ma situation et elle constate de même que ma demande n’apparaît pas. Ce qui ne me surprend pas vu que c’est la troisième fois que je demande. Au moins, elle prend le problème au sérieux et cherche une solution. Une deuxième puis une troisième collègue cherchent également mais la situation est dans l’impasse. Je tente de savoir si le service informatique de la ville peut aider ou s’il y a un support téléphonique de la part de mon.service-public.fr mais sans succès. Je parviens juste à savoir que « c’est l’état » qui leur a installé le logiciel de gestion des listes électorales. C’est bien de savoir que Louis XIV en personne s’occupe d’un sujet d’importance sous la Vème République 🙂
Bref, tout gonflé de mon récent savoir juridique, je déclare d’un ton très sérieux que le Tribunal de Grande Instance va bientôt s’occuper de tout cela.

Il faudrait réviser votre code électoral.

Voilà ce que c’est de faire le malin sans formation juridique ! Elle me corrige donc les numéros des articles que je peux invoquer et me précise que c’est le Tribunal d’Instance qui s’occupe de cela, inutile de monter au Grand.

D’accord, mais je peux porter plainte tout de même au Tribunal d’Instance ?
Vous pouvez, mais sans preuve, vous n’aurez rien.

Oui, ça paraît logique sinon n’importe qui pourrait voter n’importe où. Et cette preuve, alors, où est-elle ? Car j’ai tout de même fait la démarche…

C’est mon.service-public.fr qui peut vous la fournir.

En l’occurrence, je ne dispose que d’un mail accusé de réception. J’aurais demandé un extrait d’acte de naissance que j’aurais eu exactement le même. Difficile de parler de « preuve ». Et bien sûr, sur leur site, aucun moyen d’avoir un résumé de ma demande, d’avoir les données telles que je les ai entrées dans le formulaire… Sans compter le délai de cinq jours à chaque demande. C’est mal engagé.

Ou alors, c’est nous qui pouvons certifier qu’il y a bien eu erreur matérielle.

Voilà la solution ! Qu’attendez-vous pour rédiger ce certificat ?

Nous n’avons pas la preuve que vous avez fait la demande !

Kafka aussi est passé par là, j’imagine. Ma demande s’est perdue quelque part dans une fibre optique, ceux qui l’ont envoyée me disent que tout va bien, qu’ils ont fait leur boulot et que je dois me tourner vers la justice pour m’en sortir sans évidemment me donner la preuve nécessaire pour que la dite démarche aboutisse. Ceux qui sont sensés l’avoir reçue n’ont rien du tout et ne peuvent se baser sur ma bonne tête pour m’inscrire ou pour faire pencher la décision du juge dans le bon sens.

Entre les deux, moi qui ne peut voter.

Bon, l’agent décide de repartir à zéro et repart à la pêche de ma demande. Quand soudain, enfin, elle retrouve ma demande du 30 décembre à 19h36, exactement comme mon.service-public.fr l’avait prédit. Quels devins ! Mais alors, que s’est-il passé, pourquoi ne l’a-t-on pas trouvée plus tôt ? Ma demande a tout simplement atterri dans … l’ancienne version du logiciel ! Le changement de version a eu lieu en octobre 2013. Elle peut enfin déranger sa directrice pour faire signer le certificat d’erreur matérielle. Preuve qui permettra l’après-midi même au juge d’ordonner d’office mon inscription sur les listes électorales. Le fait que le justificatif de domicile que j’ai attrapé avant de partir soit au nom de Christelle, ce qui m’oblige à un aller-retour en vélo pour aller en chercher un à mon nom n’est qu’une broutille.

Le dimanche, en signant le registre des votes, j’ai vu que seul mon nom avait été ajouté manuellement tout à la fin. Voilà pourquoi j’ai été si facilement repéré lorsque je suis arrivé, avec à la main le jugement « Au nom du peuple français ».

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